Printemps 2022 - VOL. 20, N° 2

Profession : diplomate

Par Caroline Boily

La diplomatie, milieu conservateur, cercle fermé ou royaume du cocktail dînatoire? Revoyons nos stéréotypes : les diplomates ont des profils variés, y compris des expertises en économie.

Iya Touré, financier à Dakar

« Les échanges commerciaux sont au cœur de la diplomatie depuis toujours. Pour favoriser les affaires, il faut en avoir déjà fait », lance en souriant Iya Touré (B.A.A. 1990 et MBA 1996 ). L’ancien vice-président chez Investissement Québec avait très certainement le profil de l’emploi. Après avoir évolué pendant plus de 20 ans à la société d’État, il est nommé délégué général du Québec à Dakar en 2020. « Comme délégué, on doit avoir une vue d’ensemble. Il y a bien sûr la culture, la francophonie, la coopération internationale, l’éducation et l’immigration, mais le moteur, c’est l’économie. » Il parle donc à ses interlocuteurs africains de financement, de développement des affaires, de stratégie de croissance, de diversification de marchés et de qualification de la main-d’œuvre. « Les gens n’ont pas envie de diplomatie à l’ancienne, soutient-il. D’un côté, je connais les grandes entreprises et les PME québécoises, et je parle leur langage. De l’autre, bien que j’en aie encore à apprendre sur l’Afrique, je suis en mesure d’unir ces deux univers. »

« Les échanges commerciaux sont au cœur de la diplomatie depuis toujours. Pour favoriser les affaires, il faut en avoir déjà fait. »
— Iya Touré

Né en Guinée, Iya Touré avait 18 ans lorsqu’il est arrivé au Québec. « J’en ai 57 aujourd’hui et je m’estime chanceux : j’ai été adopté par une nation qui m’a tout donné. Je me suis dit “Iya, qu’est-ce que tu veux faire de plus?” Pour moi, être délégué était une suite logique, pour redonner au Québec, pour nos entreprises, nos institutions d’enseignement, notre culture. » La délégation de Dakar, qui couvre 12 pays africains, vient de célébrer ses cinq ans d’existence. C’est donc une jeune délégation comparativement à celle de Paris, qui a 50 ans. « Ce qui est important aussi, c’est de développer de bonnes relations interpersonnelles, qui sont au cœur de tout ici. Et surtout, d’avoir du plaisir dans ce qu’on fait! »

La belle aventure de Benoit-Pierre Laramée

« Mon parcours est loin d’avoir été rectiligne du secteur privé au secteur public! » raconte l’ambassadeur canadien en République démocratique du Congo. Ingénieur géologique, Benoit-Pierre Laramée a amorcé sa carrière dans le secteur de l’exploration pétrolière. À 30 ans, il vit une première expérience à l’international en travaillant pour un entrepreneur sénégalais. « Je me suis retrouvé dans le désert à faire des relevés géophysiques. C’était génial! » C’est pendant cette période qu’il étudie à HEC Montréal (D.E.S.S. en gestion des entreprises pétrolières 1988). Puis, avant de reprendre sa course autour du monde, il travaille pour la Ville de Montréal. « Cette période a coïncidé avec la naissance de mes deux enfants. Quand on travaille à l’international, notre vie personnelle est étroitement liée à notre vie professionnelle. Après leur naissance, ma conjointe et moi avons donc décidé de repartir en famille à l’étranger. »

« Quand on travaille à l’international, notre vie personnelle est étroitement liée à notre vie professionnelle. »
— Benoit-Pierre Laramée

Il s’engage alors dans une ONG en Guinée et au Mali, puis travaille pour l’Agence canadienne de développement international en Haïti. En 2011, il obtient son premier poste d’ambassadeur au Cameroun, avant d’être nommé au Bangladesh. « Mon emploi actuel, c’est l’aboutissement de ma carrière, souligne-t-il. Le Congo est un pays important en Afrique, avec des enjeux complexes et un potentiel immense s’il parvient à prendre son envol sur le plan économique. »

Pour Benoit-Pierre Laramée, une carrière à l’international, c’est un projet de vie, partagé avec sa conjointe et ses enfants devenus grands. « Comme j’ai toujours travaillé dans des pays en développement, ça met l’accent sur les valeurs de la coopération. Cette vie me donne la chance de rencontrer des gens extraordinaires. »

Caroline Mourand : l’appel de l’international

« Cette carrière m’avait toujours intéressée et, au moment où je me suis mise à chercher un emploi qui me permettrait de travailler à l’international, le ministère des Affaires étrangères et Commerce international du Canada étaient en plein recrutement », explique Caroline Mourand, aujourd’hui déléguée commerciale du Canada à Paris.

La diplomate a pris le goût de vivre à l’étranger lors de ses études à HEC Montréal (B.A.A. 2004). Dans le cadre du programme de mobilité internationale, elle passe un semestre à Uppsala, en Suède. « Après mon baccalauréat, je voulais continuer de voyager et je suis donc partie travailler en Australie, dans le cadre du programme Expérience internationale Canada », explique-t-elle.

La diversité des postes, le fait d’être en apprentissage constant, voilà ce qui motive Caroline Mourand.

C’est d’Australie qu’elle entame le processus de recrutement auprès du ministère qui se nomme aujourd’hui Affaires mondiales Canada et obtient un premier poste à Ottawa. Trois ans plus tard, elle part en Malaisie, puis à Singapour, où elle passe six ans, avant d’arriver à Paris à l’été 2021. La diversité des postes, le fait d’être en apprentissage constant, voilà ce qui la motive. « Il faut s’adapter au marché qu’on représente. À Singapour, je m’occupais du secteur des technologies vertes, et à Paris, je suis responsable des secteurs des biens de consommation, de la mode et des industries créatives. C’est un autre monde! » Avec ses collègues, elle soutient les entreprises canadiennes qui sont prêtes à se lancer sur le marché français. Elle fait aussi la promotion de l’investissement au Canada auprès des organisations françaises.

Se voit-elle toujours à l’étranger dans 20 ans? « Qui sait? J’ai un conjoint et des enfants. On évalue ça tous ensemble, une étape à la fois. »

Illustration : Adobe Stock