En 2002, HEC Mag consacrait la une de son tout premier numéro à cette pionnière du plafond de verre, à qui HEC Montréal venait de décerner un doctorat honoris causa pour sa carrière exceptionnelle. Marie-Claude Peyrache figurait alors au palmarès du Wall Street Journal des femmes d’affaires les plus influentes d’Europe. Vingt ans – et quelques batailles – plus tard, elle nous livre ses réflexions sur le monde des affaires.
Première femme à siéger au comité de direction de France Télécom, une des plus grandes entreprises de l’Hexagone, Marie-Claude Peyrache s’est battue toute sa vie pour l’avancement des femmes. D’abord pour elle-même, parce qu’elle a dû ouvrir la voie, puis pour les autres. Car si des obstacles subsistent pour atteindre la parité hommes-femmes, imaginez la situation au début des années 1970!
À l’époque, en France, les femmes n’avaient pas encore le droit de fréquenter une école de commerce, ce qui explique pourquoi Marie-Claude Peyrache s’inscrit au MBA de HEC Montréal en 1971. Ironie du sort ou revanche d’une mère : son fils aîné assume aujourd’hui la direction générale de HEC Paris.
Les bons coups
Avec le recul, quelles sont les réalisations dont elle est la plus fière? « Avoir réussi, chez France Télécom, à transformer une société d’État qui détenait le monopole des télécommunications en France en entreprise cotée en bourse et orientée clients, répond Marie-Claude Peyrache. Je ressens une certaine fierté d’être parvenue, avec mes équipes, à changer la culture de cette organisation – devenue la multinationale Orange –, sans vagues ni grève. »
Autre source de fierté : la création, avec une amie, de BoardWomen Partners, un organisme voué à la promotion des femmes au sein des entreprises et des conseils d’administration. « Pendant les 14 années qui ont suivi mon départ de France Télécom, je me suis énormément investie dans cette cause qui me tenait à cœur, raconte-t-elle. J’ai misé sur mon ancien statut et sur mon vaste réseau de contacts pour faire bouger les choses. » Résultat : le nombre de femmes au sein des C. A. est aujourd’hui passé de 8 % à un peu plus de 40 % en France. « Il reste toutefois encore à faire du côté des postes de direction. »
Défis et enjeux du monde du travail
« Avec la montée en puissance de la mondialisation, l’aspect financier a primé sur beaucoup d’autres choses au cours des 20 dernières années. À mon avis, cette course au profit s’est un peu faite au détriment de l’humain dans l’entreprise, déplore-t-elle. Nous sommes parfois allés beaucoup trop loin. »
Les principaux défis pour les années à venir? « Enjeux climatiques, enjeux éthiques en lien avec les nouvelles technologies, santé mentale des travailleurs… Nous sommes allés tellement loin que nous devons ramener le balancier. Bon nombre de jeunes ne se retrouvent plus dans les grandes sociétés sur le plan des valeurs. Nous sommes en train de vivre une révolution. Quelle en sera l’ampleur? Seul l’avenir nous le dira », conclut‑elle.