Guy Cormier : rêver vert!
DOSSIER TRANSITIONS
Guy Cormier
Rêver vert!
Par Sandrine Rastello
Photographes : Martin Girard et Jean-François Lemire, Shoot Studio
Lorsqu’en 2016, il devient, à 46 ans, le plus jeune président de l’histoire de Desjardins, Guy Cormier s’aperçoit que cette particularité incite de nombreuses personnes à le solliciter pour exprimer leurs attentes.
« On m’a dit : “Il faut que la voix des jeunes soit davantage exprimée. Nous avons de grands défis à relever, de grands enjeux de transformation numérique et écologique à affronter”, se rappelle-t-il. Un discours émergeait aussi sur les dommages collatéraux du capitalisme des 30-40 dernières années, sur notre impact environnemental et sur les inégalités. Pour moi, il est alors devenu clair que je devais m’engager dans ces avenues et jouer un rôle plus actif dans la société par rapport à ces virages à prendre. »
Un rôle d’influenceur
Guy Cormier a fait toute sa carrière chez Desjardins. Il connaît donc très bien le terrain. Au quotidien, il scrute la performance, gère les risques et suit la satisfaction des membres et des clients. Il est aussi très conscient du pouvoir d’influence d’une organisation qui fait affaire avec 7,5 millions de personnes et d’entreprises partout au Canada.
En montrant l’exemple, en prenant la parole ou en incitant les entreprises à prendre un virage environnemental et social, Desjardins apporte sa pierre à une décennie de transitions, explique Guy Cormier, qui se dit enthousiasmé par l’ébullition actuelle des idées au Québec et par la réflexion, autant individuelle que collective, sur le climat et la posture énergétique à adopter.
« Je souhaite qu’on puisse continuer à susciter le débat et à travailler ensemble sur des solutions durables, dit-il. J’espère aussi voir une divulgation des activités des entreprises plus précise et transparente. »
Au contact du large échantillon que constituent ses membres et ses clients, le dirigeant peut aussi voir le chemin parcouru. « De plus en plus d’entreprises me disent que si elles veulent continuer d’être fournisseurs de certaines grandes sociétés ou encore que leurs employés soient fiers de leur organisation, elles doivent embrasser la lutte contre les changements climatiques, rapporte Guy Cormier. Toutefois, pour bon nombre de petites et moyennes entreprises, ce constat est souvent suivi de questions, ajoute-t-il : Par où commencer, que faire en premier, comment structurer ces transitions? »
MINIBIO
Guy Cormier
MBA 2000, 54 ans
Président et chef de la direction, Desjardins
Chevalier de la Légion d’honneur française (2016)
Doctorat honorifique décerné par la John Molson School of Business de l’Université Concordia (2022)
Les accompagner dans cette démarche est aujourd’hui une priorité pour Desjardins. Et pour cause : après avoir atteint la carboneutralité de ses propres opérations en 2017, le Mouvement poursuit l’objectif de zéro émission nette de gaz à effet de serre dans un périmètre plus large, incluant ses activités de financement et d’investissement en énergie, en transport et en immobilier, d’ici 2040.
Intervenir à tous les niveaux
Pour faciliter les premiers pas de ces entreprises vers une économie plus sobre en carbone, Desjardins crée des partenariats avec des laboratoires de recherche ou des organisations qui proposent des formations et des outils, comme Québec Net Positif ou Écotech Québec. Son équipe de développement durable contribue également à mettre les entreprises en lien avec les bonnes personnes.
Le groupe coopératif est aussi particulièrement impliqué dans l’économie circulaire, un modèle qui reconnaît la limite des ressources de la planète. Avec l’École de technologie supérieure, il a investi 2,1 M $ pour développer des laboratoires d’expérimentation dans des secteurs au fort potentiel de recyclage, comme la construction (voir notre article Profil ). Il a également soutenu une tournée de sensibilisation des entreprises à travers le Québec.
« Nombre de gestionnaires explorent actuellement cette idée d’économie circulaire, rapporte Guy Cormier. Plusieurs se demandent si certains résidus produits par des entreprises de leur région pourraient devenir des intrants pour eux. Il faut creuser ce concept qui permettrait de réduire la chaîne d’approvisionnement. »
Du côté financier, le groupe multiplie les partenariats. Notamment, en mettant 350 M $ à la disposition de municipalités désireuses de construire et exploiter des parcs éoliens1. Il s’est aussi associé2 à Exportation et développement Canada pour financer jusqu’à 1 G $ de projets visant à réduire les émissions de carbone dans les moyennes et grandes entreprises (telle l’adoption de technologies propres). Enfin, il a créé une « remise verte »3 pour récompenser les entreprises montrant des résultats en matière de critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance).
Savoir dire non
Ces gestes s’accompagnent d’une fermeté assumée envers les entreprises qui n’intègrent pas ou qui intègrent trop peu les facteurs ESG dans leur gestion des risques ou leur orientation d’affaires, souligne Guy Cormier. « Dans certains cas, nous nous retirons du financement ou de l’investissement, si nous ne sentons pas que l’organisation prend suffisamment ces critères au sérieux, explique-t-il. Dans d’autres, nous intervenons directement et demandons des ajustements. »
Car le Mouvement, deuxième assureur de dommages au Canada, suit de près l’évolution climatique et collabore même avec des spécialistes à l’échelle mondiale pour évaluer les risques des prochaines années.
« Le principal risque à surveiller actuellement, ce sont les inondations, estime le dirigeant. Comment peut-on mieux protéger les propriétés en zones inondables, comment atténuer ce risque? »

À la rencontre des jeunes
Au-delà de ses discussions avec les entreprises, Guy Cormier est particulièrement attaché au dialogue avec les jeunes, dont il a fait un des piliers de sa présidence. Après les avoir rencontrés dans plusieurs universités, il a organisé à Montréal, en juin dernier, l’événement « Rêver l’impossible » afin d’aborder les enjeux qui les préoccupent.
Parmi les sujets abordés figuraient l’emploi ainsi que l’accès au logement et à la propriété, des questions sociales chères à Desjardins, qui s’est d’ailleurs engagé auprès du gouvernement à rendre plus de 1 500 logements abordables disponibles d’ici la fin de 2025.
« Les jeunes aspirent à d’autres modèles, comme les coopératives d’habitation, relaie-t-il. Depuis quelque temps, nous explorons donc différentes avenues, car ils nous disent que ce modèle de collaboration, d’entraide et de coopération correspond à leurs valeurs. »
Guy Cormier a aussi entendu la déception des jeunes face à leurs conditions de travail, y compris le manque de mentors, alors qu’on leur fait miroiter des perspectives professionnelles alléchantes. « Ce constat m’a beaucoup fait réfléchir : comment mieux les accompagner lorsqu’on les recrute chez Desjardins, ou encore comment peut-on aider les entreprises à mieux saisir cette dimension? »
Les leçons d’une crise
Les projets ne manquent donc pas pour Guy Cormier d’ici la fin de son mandat, prévue au plus tard pour 2026, alors que Desjardins prépare la séparation des fonctions de président du conseil d’administration et de président et chef de la direction.
Une décennie qui aura mis à l’épreuve son leadership, après la fuite de renseignements personnels de 2019. Guy Cormier a alors compris qu’il se devait d’assumer cette crise. « Donner l’heure juste, ne pas me défiler ou encore envoyer des porte-paroles à ma place. Comme leader, je devais être au devant, que ce soit à une commission parlementaire, une conférence de presse ou encore à des rencontres d’employés », se souvient-il.
Quatre ans plus tard, il est fier que Desjardins ait traversé cette tempête tout en continuant de croître. « Nous avons continué d’investir en sécurité. Les gens ont maintenu leur confiance envers nous, et je leur en serai toujours reconnaissant », conclut-il .
DESJARDINS EN BREF
- Siège social : Lévis
- Nombre d’employés (au 30 juin) : 59 389
- Actif total (au 30 juin) : 409,6 G$
- Membres et clients : 7,5 millions
- Conseil d’administration paritaire (9 femmes, 10 hommes)
- Engagement local : 114,6 M$ octroyés en dons et commandites (2022)
- Nommé au classement Corporate Knights 2023 des 50 meilleures entreprises citoyennes au Canada pour la 10e année consécutive (31e rang)
- Desjardins met en place une facilité bancaire de 350 M$ pour appuyer la construction de parcs éoliens de l’Alliance de l’énergie de l’Est
- Desjardins octroiera jusqu’à 1 G$ pour soutenir les projets verts des moyennes et des grandes entreprises
- Desjardins instaure une remise verte pour encourager les entreprises à investir en fonction de critères ESG
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