Myriam Brouard
Comprendre le binge-watching
Par Sandrine Rastello

Les conclusions de l’étude menée par Myriam Brouard sont importantes pour les créateurs de contenus, car elles révèlent qu’au cœur du binge-watching, il y a recherche d’intensité.
Cette Montréalaise à la fibre entrepreneuriale, qui a fait ses premiers pas en affaires dès 19 ans, a travaillé pour la délégation générale du Québec à Tokyo et exercé comme consultante sur trois continents.
« Bien que j’aime beaucoup tout ce qui a trait à la commercialisation et à la valorisation de la marque (branding), j’aimais aussi beaucoup la recherche », souligne-t-elle.
La recherche l’emporte toutefois après son mémoire de maîtrise, qui porte sur le piratage de films. Au moment où elle songe à faire un doctorat, Netflix est sur le point de prendre son envol en misant sur la diffusion en continu. « Les gens commençaient à opter pour d’autres types de consommation télévisuelle, raconte-t-elle. Ça m’intéressait de suivre ce qui se passait. »
Visionnement compulsif
Une pratique l’interpelle plus que d’autres : des personnes lui disent qu’elles visionnent d’un trait ou presque des séries pourtant terminées depuis longtemps. Son sujet de thèse se dessine : elle se penchera sur le binge-watching ou « visionnement en rafale » en français, une traduction qui, selon elle, n’en capture pas tout le sens.
Soutenue en 2021, sa thèse démontre que cette pratique se distingue des autres formes de consommation excessive, souvent vues comme des pathologies. Ici, non seulement ce comportement est répandu et assumé, mais « ses adeptes trouvent qu’il enrichit l’expérience du visionnage », souligne Myriam Brouard.
Entre 2012 et 2020, elle mène des entretiens avec une vingtaine de participants de tous âges qui se décrivent comme des binge-watchers réguliers ou occasionnels. « Le fait d’échanger avec des consommateurs, d’essayer de comprendre leur expérience, c’était innovant », explique la chercheuse, qui s’y adonne alors aussi.
Un nouveau mode de consommation
Les conclusions de cette étude sont importantes pour les créateurs de contenus, qui doivent prendre en compte ces nouvelles habitudes de consommation. Car, elles révèlent qu’au cœur du binge-watching, il y a recherche d’intensité.
Pour cela, il faut que la série ait une fin déterminée, qui agit comme motivation. Nombreux sont ceux qui préfèrent d’ailleurs attendre d’avoir une saison entière avant de se lancer, explique Myriam Brouard. « Les épisodes diffusés au compte-gouttes, les saisons espacées, frustrent ce type d’utilisateurs. Ils préfèrent les formats courts et innovants, plus stimulants. »
Pas étonnant que la professeure adjointe à l’Université d’Ottawa se penche désormais sur ce qu’elle voit comme la « prochaine étape » : le Web 3.0 et le métavers. « Les gens qui écoutaient des séries de A à Z disaient se sentir proches des personnages. Avec ce nouveau monde virtuel, on est en train de créer des univers plus immersifs et plus participatifs », conclut-elle.